Du plateau du Rupsho

Par Jigmat Lundup, 2022

J'ai rencontré Nawang Tharchen de Samad Rokchen il y a environ un an, à l'automne 2021. Non loin du village, on peut voir le magnifique Tso Kar, un lac salé du plateau de Rupshu au Ladakh. Cette zone abrite des nomades qui se déplacent à la recherche de pâturages pour nourrir leurs animaux, principalement des yaks, des moutons et des chèvres. Leurs déplacements dépendent de la disponibilité de l'herbe. Chaque année, des nomades se rendent à Startsa-phu et Changri. Puis, au 5ème mois du calendrier tibétain (environ juin/juillet), ils s'arrêtent à Rokchen, Rogchun, Mentzur et Dipring où ils extraient du pashmina. Puis ils continuent leur voyage vers Rena et reviennent finalement à Ponggo-Nuggu. La vie et les déplacements des nomades sur le plateau suivent le rythme des saisons. Les nomades passent beaucoup de temps seuls, loin de leurs proches, mais une fois par an, ils se rassemblent tous à Samad Rokchen, lors du Losar, le Nouvel An.

Aujourd’hui, de nombreux habitants de la région passent l’hiver à Leh, notamment les jeunes générations. Mais Nawang Tharchen, un homme d'une soixantaine d'années, passe tout son temps à Samad Rokchen. Il pratique la méditation pendant que son jeune frère voyage avec leurs animaux. Nawang Tharchen a partagé des choses intéressantes sur Tso Kar. Autrefois, lorsque les nomades se rendaient à Startsa-phu, ils ne le faisaient que lorsque le lac était gelé, pour réduire la distance. Mais après quelques travaux d’excavation et d’exploration effectués par le gouvernement indien il y a environ quatre décennies, le lac a complètement cessé de geler. Aujourd’hui, on n’oserait jamais traverser le lac à pied en toute sécurité en hiver, comme on le faisait autrefois lorsque le lac pouvait rester gelé pendant plusieurs mois. Après les travaux d'excavation, la teinte de l'eau a également commencé à changer, et une teinte rougeâtre remplaçe parfois sa couleur bleuâtre habituelle.

Au pays des nomades, on est à la merci des intempéries. Parfois, la météo empêche les nomades de se déplacer. Ce fut le cas l'hiver précédent où ils ne purent se rendre à Zara phu en raison de chutes de neige précoces. Parfois, la météo peut entraîner des décès. En 1998, de fortes chutes de neige ont tué environ 90 % du bétail autour de Tso Kar. De gros animaux tels que des yaks pouvaient être aperçus partout, gisant morts sur le sol..Nawang Tharchen possédait 25 yaks et seuls trois pouvaient survivre. Sur son troupeau de 200 moutons et chèvres, une dizaine seulement a survécu. Aujourd’hui, il y a d’autres problématiques liées à la météo. Depuis des années, les nomades ont soif de neige. À plusieurs reprises, ils ont invité les lamas et Rinpoché à accomplir des rituels pour apporter davantage de chutes de neige et de pluie. Mais rien ne se passe. C’est un enjeu important car moins de chutes de neige signifie moins d’herbe pour nourrir le bétail dans les pâturages. Cela affecte également le lac. Nawang Tharchen a vu Tso Kar rétrécir au cours de sa vie et il craint qu'un jour il ne devienne totalement sec. Pourquoi y a-t-il moins de neige aujourd'hui ? Selon Nawang Tharchen, cela est dû au fait que les lha et les lhu (divinités locales) sont en colère contre l’avidité des gens et leur manque de respect croissant pour ces divinités. C'est ce qui nous a conduit à cette situation.

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